Les Alternatives Catholiques

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Atelier de formation | Laboratoire d'action – Café & Coworking "Le Simone" à Lyon

Les catholiques, le sexe et l’identité.

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Publié le 17 septembre 2015 Aucun commentaire

Il est temps de déconstruire “la religion”.

Quand je dis que je suis catholique et qu’on me parle de “religion”, je ne comprends rien. “Ah c’est intéressant, c’est beau d’avoir une religion, une croyance, ça te donne quelque chose de fixe dans la vie, une identité, même si bon, niveau morale, ça doit pas être facile”.

D’aucuns, comme William Cavanaugh dans Eucharistie et mondialisation rappellent que le concept de “religion” était à l’origine, notamment chez St Thomas le nom d’une vertu, en gros la piété. Rien à voir donc avec cette espèce d’entité relativement indéfinie dont on nous rabâche les oreilles dans les discours politiques, le plus souvent pour dire qu’elle ne doit pas se mêler de politique.

Indéfinie, enfin pas tout à fait. En fait je crois que “la religion” est définie dans le discours politique par trois points, et elle est tolérée pour autant qu’elle s’en tient à ces trois points : spiritualité, sexualité, identité. “La religion” c’est dans la projection politique une “spiritualité”, c’est une éthique (et en particulier une éthique sexuelle), et c’est une identité. Or ces trois points correspondent à la “sphère privée”, c’est-à-dire à ce qui ne relève pas de la politique. Ainsi le discours politique fabrique un objet qu’il appelle “la religion”, et qu’il place soigneusement hors du champ politique, en un geste double de constitution et de marginalisation. “La religion” est cet objet construit politiquement qui procède d’une réduction de ce que nous vivons effectivement quand nous sommes catholiques.

On demande aux catholiques de parler quand il s’agit d’éthique, et on se délecte de leurs opinions en matière sexuelle. Tellement moyenâgeux ces gens.

Ou alors on accepte de les entendre sur “les racines chrétiennes de la France”. En rigolant.

Ou alors, plus subtil, quand les catholiques s’opposent au mariage-adoption pour tous au nom d’une critique de la notion de “droit  à l’enfant”, on réduit tout leur propos à l’expression d’un affect sexuel, l’homophobie.

Ou enfin, que des catholiques se lançent dans une revue d’Ecologie Intégrale, le seul débat portera sur l’article qui parle de contraception (pour le louer ou le vomir, peu importe).

Quoi qu’ils disent, les rôles sont fixés : ce qu’il disent est sexuel, identitaire, ou gentiment spirituel.

Du coup, quand les catholiques parlent d’écologie, on dit qu’ils se sont “mis à l’écologie”. Quand ils prônent une politique et une pratique d’accueil des réfugiés, on dit que c’est pour faire oublier leur opposition au mariage-adoption pour tous. Quand ils disent que le repos dominical doit être sauvegardé car le travail n’accomplira jamais totalement notre humanité, on dit qu’ils s’accrochent à de vieilles traditions, ou qu’ils veulent imposer leur spiritualité à tout le monde. Et quand ils disent que la propriété privée est subordonnée au bien commun, ce qui signifie qu’en certains cas les grands propriétaires peuvent être légitimement expropriés… là on ne les entend même plus.

Le concept de “religion” (spiritualité-sexualité-identité) voudrait donner un cadre restreint à l’existence des catholiques. Et parfois les catholiques eux-mêmes oublient qu’ils ne sont pas là seulement pour parler préservatif et racines de la France. On observe d’ailleurs une étrange collusion entre la droite “libérale-conservatrice” et la gauche laïcarde, pour définir “la religion” uniquement comme ce qui ordonne la sphère privée. C’est ce concept qu’il faut déconstruire, ce qui ne veut pas dire qu’aucun de ces trois sujets doive être éliminés, loin de là. La déconstruction n’a en effet jamais été une destruction, mais plutôt une “désobstruction”. “La religion” aujourd’hui définie comme ce triptyque spiritualité-sexualité-identité obstrue l’expérience catholique. D’où la nécessité de déconstruire “la religion”, en tant que projection politique, pour libérer l’Eglise.

Il ne s’agit pas de dire que la religion doit se mêler de politique, mais que “la religion” n’existe pas ailleurs que dans le discours politique.

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