Les Alternatives Catholiques

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Catholiques versus robots : la politique a-t-elle horreur du vide ?

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Publié le 11 décembre 2014 Aucun commentaire

Ces derniers mois, soudain, l’horloge politique s’affole. Nous sommes en 2014, et tous les yeux se rivent sur 2017. À l’heure où la majorité choisit de changer de cap pour sauver son quinquennat, les ténors de l’UMP prennent position, dévoilent leurs stratégies, affirment leur « vision », leur « personnalité », et décident avant l’heure de cesser de ronger leur frein. Au terme de la trêve estivale et d’une période de silence prolongée – si ce n’est calculée – de la part de la droite, l’effet de surprise aurait pu être brillant, la parousie[1] politique salvatrice. Il n’en fut rien. En alignant face au gouvernement les contre-propositions de réformes, les candidats anticipés de la droite ont présenté des mesures bien plus que des visions. Ils ont parlé de changer le présent sans dessiner vraiment l’avenir.

 

Là est sans doute la manifestation la plus patente de la crise que traverse aujourd’hui notre monde politique : l’abandon de la notion de projet au profit de perpétuels débats sur des points de méthode. Notre crise politique est, fondamentalement, une crise de sens. Dans une telle perspective, l’articulation de l’humain et de l’économique n’est plus à penser mais à aménager, la vie commune n’est plus à construire mais à organiser et le gouvernement n’a plus pour seule mission que la réforme, la mise en mouvement, la réflexion stratégique. La véritable finalité du politique en vient à se diluer dans un discours devenu illisible, comme l’atteste la déclaration faite par Manuel Valls au micro d’RTL le 24 juillet : « Il y a un cap et ce cap c’est le mouvement, c’est la réforme pour l’intérêt général ».

 

Face à la vacuité des discours politiques, les catholiques devraient s’indigner comme jamais, bien davantage que face à des idées contraires aux leurs, qui ont au moins le mérite de donner prise au combat. L’ère du technico-politique ne laisse aucune place à l’humain et à sa dignité. A-t-on mesuré la portée du discours du Pape au Parlement Européen à Strasbourg, le 25 novembre dernier ? À travers sa critique des institutions européennes, le Saint-Père a délivré une leçon magistrale de pensée politique catholique, dans la droite ligne de la Doctrine Sociale : « On constate avec regret une prévalence des questions techniques et économiques au centre du débat politique, au détriment d’une authentique orientation anthropologique. »

 

La politique ne peut se mettre au seul diapason des prévisions des économistes. Plutôt que de se demander frontalement « quelle croissance voulons-nous ? », on se demande pourtant perpétuellement : « que doit-on faire en attendant le retour du 1% de croissance ? ». À aucun moment le discours ne porte sur la nature du système économique, en lien avec le mode de vie d’une société, mais toujours sur des degrés. La position parait d’autant plus confortable qu’elle permet de se garder de tout discours susceptible de verser dans l’idéologie. Ne pas avancer de lecture forte des phénomènes et de projet pour l’avenir permet de rester dans une posture de technicien, neutre, pragmatique, efficace. Pourtant, le problème s’aggrave lorsque ce pragmatisme économique devient une figure imposée interdisant toute réflexion sur nos modèles de société sous prétexte de crise budgétaire.

 

La crise interne au Parti Socialiste peut être comprise à la lumière du défaut de sens qui mine aujourd’hui le débat public. Le texte publié par Martine Aubry, à la tête de son mouvement « Vive la gauche » le 26 octobre a au moins le mérite de poser le constat de crise du projet politique. « Une raison profonde du malaise, même si nous pensons que les Français ont bien compris qu’il fallait réduire les déficits pour préserver l’avenir, est qu’ils ne comprennent pas quelle société nous voulons construire, sur quelles valeurs nous nous appuyons. Bref, nous donnons l’impression de ne plus porter un projet politique. Le cap est devenu une succession de courbes et de chiffres, 50 milliards, 41 milliards, 3%… Les Français ne voient plus à quoi servent leurs efforts. On ne transforme jamais le réel en renonçant à l’idéal. La politique n’est pas un voyage sans destination. »

 

À qui la faute, donc ? Aux questions économiques, qui, sous le règne victorieux du libéralisme, semblent assombrir toujours plus, depuis 2008, l’horizon des possibles ? Sans doute. Mais la difficile formulation d’un projet commun semble s’ancrer tout autant dans une remise en question des idéaux politiques, de la capacité d’intervention de la puissance publique et dans l’incapacité de la société française à se penser comme communauté de destin. Dès lors, le roman national parait bien difficile à écrire.

 

Face à la montée en puissance du technico-politique, le rôle des catholiques est aujourd’hui, en premier lieu, de marquer leur refus de la réduction du politique à des logiques gestionnaires, en posant les questions de fond qui sous-tendent le débat public. Car poser la question des fondements et des finalités revient à montrer aux robots qu’il leur manque sans doute l’essentiel : une âme.

 

 

[1] Retour glorieux du Christ sur Terre, à la fin des temps bibliques.

Marie-Hélène
Marie-Hélène, membre des Alternatives Catholiques.

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