Les Alternatives Catholiques

Les Alternatives Catholiques

Atelier de formation | Laboratoire d'action – Café & Coworking "Le Simone" à Lyon

Il n’y a pas de doctrine sociale de l’Église catholique

La Droite et la Gauche, à jamais dans nos esprits, toujours loin de nos coeurs. Les éternelles jumelles n’ont pas fini de nous tourmenter. Non contentes de diviser l’hémicycle, encore faut-il qu’elles divisent l’hexagone. Et de part en part, les villes, familles, discours, vêtements, musiques, goûts et couleurs. La voiture, de droite, le vélo, de gauche. Le baroque, de droite, l’afro-trap, de gauche. Soutenir la police, de droite. Aller en Manif, de gauche. La liste des stupidités est longue, car en France, nulle réalité ne semble exempte de ce petit jeu tyrannique. Les choses les plus insignifiantes sont soumises à la Question (: le sans-gluten ? De Gauche). Un jeu tellement amusant, gratuit, ou presque, et que risque-t-on ? Non seulement les choses plus insignifiantes, mais aussi les plus grandes et les plus nobles. Le Christ ? De droite ou de gauche ? Disputez-le donc. Dans un Monde où tout s’achète, tout s’étiquette également. Cela ne coûte rien, ou si peu. Trente deniers feront l’affaire. Mais, en posant l’étiquette, tachez de ne pas déchirer le vêtement.

Malgré les apparences, la Droite et la Gauche ne désignent pas des cultures différentes, car la culture ne sert pas à étiqueter les marques de sauce tomate. La Droite et la Gauche ne sont pas des affiliations politiques, car il y a fort à craindre que les partis eux-mêmes ne soient sous leur emprise. Enfin, et par dessus-tout, la Droite et la Gauche ne sont pas un corpus d’idées et d’idéaux : les idées ne vont jamais par deux ! Qu’il ait existé des penseurs et des ouvrages, des désirs et des ambitions que l’on qualifie de droite ou de gauche aujourd’hui, voilà qui est certain. Mais ce n’est encore que par un habile processus de récupération et d’étiquettes que ces penseurs et ces pensées sont devenues de droite ou de gauche, et ce n’est pas rendre hommage aux vraies pensées politiques que de vouloir à tout prix les ranger de l’un ou de l’autre côté. Droite et Gauche ; l’alternative est omni-présente et, pourtant, se dissimule. Nous n’aurons pas conscience de ce qu’elle signifie tant que nous penserons encore que cet affrontement revêt quoique ce soit d’intellectuel ou de culturel. Comme si la Droite recouvrait réellement une pensée, mais la droite a revêtu tellement de pensées – et que dire de la Gauche. La Droite et la Gauche, comme leur nom l’indique, sont des orientations et, dans leur plus simple appareil, ne sont rien d’autre que cela : une opposition. Qu’est-ce que la Gauche sinon le renversement de la Droite et la Droite sinon l’étouffement de la Gauche. Les intenables jumelles n’ont qu’une ambition : la guerre fratricide. Sont-elles rien d’autre que notre intarissable envie de division, rien d’autre que la division même, sans laquelle nous ne savons pas vivre ni penser. C’est parce qu’elles sont mères de la Division que ces jumelles ont passé et passeront les âges, les pensées et les penseurs, les cultures et les modes, revêtant tour à tour l’apparat qui leur servira le mieux à s’opposer l’une à l’autre.

Et nous sommes tous dupes du ballet infernal. Fausses idées et faux intellectuels ceux qui se revendiquent de l’une d’elles, car leur objet n’est pas la vérité, mais la victoire. Fausse culture et faux regards, qui apprécient telle ou telle chose pour marquer leur différence et leur appartenance, car la Beauté n’appartient à personne. Être de droite ou de gauche, c’est être né à droite ou être né à gauche et, bien que l’on puisse changer d’appartenance, ce changement est souvent perçu comme une trahison. Ainsi les jumelles, mères et filles de la division, nous apprennent à penser de manière tranchée, démesurée, désinformée. À quoi bon la mesure puisqu’il s’agit d’écraser et d’emporter la victoire. À quoi bon l’information, puisque la réalité est souvent mitigée, floue, humaine. Pour emporter la victoire, il faut une vérité claire, qui puisse s’agencer clairement selon deux camps. Êtes-vous pour ou contre ? La question la plus stupide que l’on ait jamais posée dans le domaine intellectuel et politique. Car pour ceux qui savent réfléchir et s’informer réellement, il n’y a que très rarement de pour ou de contre sur les sujets qui comptent. Pour ou contre la police, cela ne veut rien dire. Pour ou contre le rap, pour ou contre la manif’ pour tous, pour ou contre l’avortement, pour ou contre la militarisation. Non-sens.

Car lorsque l’on réfléchit et que l’on s’informe réellement, la vérité ne saute pas aux yeux, justement, car elle est floue et indistincte. Celui ou celle qui s’informe a tôt fait de réaliser que le mensonge est des deux côtés, que beaucoup de cas sont flous, mitigés et que les cas tranchés sont vite ensevelis sous des centaines de plus flous et de plus médiatisés. Il est dur d’accepter que l’humain est toujours fait de cas particuliers. Il y a eu de véritables bavures et de véritables cas d’auto-défense et rien ne sert d’essayer d’ignorer cette multiplicité. Les coupables des bavures doivent en rendre compte, les autres doivent être défendus. Alors, parler de LA Police et défendre corps et âme l’institution où vociférer All cops are Bastards … non sens. Le véritable homme de culture est prêt à apprécier ce qui est Beau, ou que le Beau se trouve. Et si le Beau émerge là où il ne devrait pas émerger, peu l’importe. L’homme de culture, parce qu’il est un homme de culture, n’a pas d’appartenance. Et celui qui cherche la vérité est prêt à la trouver où qu’elle demeure et peu importe ce qu’il est censé penser, ou défendre, ou dire, car le chercheur de vérité ne pense pas avant de connaître et ne défend pas avant de savoir, car il n’a pas d’appartenance.

Cela veut-il dire que les discussions politiques – méritent-elles ce titre, de nos repas de famille doivent être avortées ? Oui, sans aucun doute – nous nous en porterons mieux. Cela veut-il dire que nous ne proposons rien ? Oui, d’une certaine manière, car le besoin de proposer quelque chose de clair, de ferme, de tranché est encore un piège issu de l’esprit de division. Lisez les enseignements sociaux de l’Église et vous serez surpris, car les papes ne proposent rien de bien nouveau, rien de tranché, rien de définitif. On peut leur en vouloir, et parfois je me prends à leur en vouloir moi aussi, devant l’injustice flagrante qui se présente à nos yeux. Pourquoi ne vocifèrent-ils pas contre l’injustice une bonne fois pour toutes ? Peut-être parce que l’injustice est aussi complexe que révoltante, et que la simplicité de notre révolte ne signifie pas que les solutions soient elles-mêmes simples. Les Papes parlent à tous, et ne peuvent en juger aucun : ils ne peuvent désigner les coupables. L’Esprit de division est menteur parce qu’il nie les cas particuliers et prétend l’existence d’une vérité simple, d’une délimitation claire et nette du bien et du mal. Puissent les Papes ne pas tomber dans ce piège. Puissions nous ne pas leur reprocher leur tiédeur et leur manque de radicalité, car la radicalité est affaire de personnes, non de politique. Cette tiédeur est une marque de sagesse en ce domaine.

Peut-être est-il temps pour nous de comprendre qu’il n’existe et n’existera pas de modèle politique chrétien idéal. Peut-être faut-il faire le deuil de la doctrine sociale de l’Église. Non qu’elle soit vide, car cette pensée que les papes nous ont transmis est puissante et ferme. Mais elle ne prend pas parti, elle n’apporte pas de forme, sinon l’Amour, qui n’est ni un parti, ni une doctrine. Elle défend la subsidiarité, c’est-à-dire le respect du cas particulier et la nécessité de traiter les problèmes à l’échelle la plus locale possible. Autrement dit, les Papes ne répondent pas à la question politique, car LA question politique n’existe probablement pas. Nous devons faire le deuil des modèles et des formes, car ces modèles et ces formes sont à réinventer en permanence. L’Amour n’est pas un modèle, et tandis que Droite et Gauche poursuivent la lutte infinie des formes et des doctrines, l’Amour se présente comme le créateur de formes. Il comporte bien sûr quelques grands principes, que vous trouverez exposés à merveille dans les textes des papes depuis Léon XIII ; mais de ces grands principes, nous ne trouverons nul modèle, nulle réponse, car pour chacun de nous, où qu’il se trouve, le plus dur reste à faire.

Ni radicalité, ni appartenance, et pourtant le Christ exige de nous et la radicalité et l’appartenance ! Et comment sommes-nous censés appartenir sans nous positionner ? Sans choisir un camp ? Comment être radicaux, en restant mesurés, plantés comme des épouvantails au milieu de la lice. Nous savons, pourtant, que le milieu, le médian, le médiocre, ne peuvent pas définir le Christ, que le Christianisme ne saurait être pensé comme un vulgaire compromis entre la Droite et la Gauche. Bien au contraire ! Sur l’horizon désespérant de la Droite et de la Gauche, le Christ ouvre une nouvelle dimension … vers le haut. Un segment horizontal et une droite, verticale : le schéma de la révolution Chrétienne pour la France de ce jour.

À l’arrivée de Paul et de Silas en Thessalonique, les juifs s’exclament à leur sujet : « Ces gens qui ont révolutionné le monde entier, les voilà maintenant ici […]. Tous ces gens-là contreviennent aux édits de César en affirmant qu’il y a un autre roi, Jésus » (Ac 17 : 6-7). Une nouvelle royauté, pour une radicalité nouvelle, celle de ne plus jamais appartenir à l’horizontalité de ce monde. Une appartenance nouvelle, celle de toujours se placer aux côtés du Christ, autrement dit, aux côtés des pauvres, quels qu’ils soient. Rester près des pauvres et fuir les partis, définitivement. Les Papes, nos aînés n’ont pas dit autre chose.

arthurm

2 thoughts on “Il n’y a pas de doctrine sociale de l’Église catholique”

  1. Vous ne semblez pas voir que le problème ne viens pas tant d’une vie politique étouffante ( surtout à l’heure du « ni droite ni gauche » macronien) mais plutôt d’une vie culturelle complétement anémiée et politisée. En occident en tout cas il y a toujours eu une vie culturelle et une vie politique. On à toujours peu ou prou tenu la première comme supérieur à la seconde. Depuis l’époque moderne la vie cultURElle, en excluant la vie cultUElle puis la simple recherche de la vérité de son propos, s’est inféodé aux doctrines politiques et à l’arbitraire du pouvoir. Que peut faire notre petite Église dans ce monde soumis à l’arbitraire du pouvoir ? Commencer déjà par fonder sa vie sur l’héritage des apôtres plutôt qu’à « toute sorte de doctrines étrangères ». Être serviteur fidèle de l’Eglise qui nous explique les Évangiles dans les sacrements, dans les conciles, dans les déclarations du pape, dans la Catéchèse de l’Eglise Catholique, dans la Présentation Générale du Missel Romain ou du Bréviaire et aussi … dans la Doctrine Sociale de l’Eglise. C’est cette fidélité là qui nous permet de nous extraire de l’arbitraire des pouvoirs. La première des charités c’est l’amour de Dieu par l’Eglise. C’est l’Eglise qui nous guide et nous exhorte à la vrai charité envers le prochain. En critiquant la Doctrine Sociale de l’Eglise vous participez vous même à cette politisation dont vous critiquez les effets.

  2. La DSE ne s’est jamais voulu comme une recette de gouvernement, mais comme un substrat dans lequel le responsable politique (à tous les niveau de la vie sociale) puise en abondance pour replacer sans cesse le Christ au centre de la Cité. L’Église, à l’image ne Notre-Seigneur, répugne les cases à cocher, mais a toujours exigé de chacun l’appropriation et la méditation de son message. C’est ainsi qu’il nous faut une politique inspirée et non encadrée.

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