Les Alternatives Catholiques

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Les catholiques enfin de retour en politique ?

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Publiรฉ le 29 novembre 2016 3 commentaires

Au terme de la campagne pour la Primaire de la droite et du centre, qui sโ€™est achevรฉe dimanche soir par la victoire de Franรงois Fillon, le constat est limpide : les catholiques sont de retour dans le dรฉbat public. Il y avait bien longtemps, en effet, que lโ€™on nโ€™avait pas vu le catholicisme ainsi placรฉ sous le feu des projecteurs mรฉdiatiques, monopolisant les unes de la presse, affichรฉ, expliquรฉ, fantasmรฉ. Peut-รชtre mรชme depuis 2013. Faut-il sโ€™en rรฉjouir ?

Ostensiblement draguรฉs par le โ€œcandidat de Sens Communโ€ et par ses concurrents, les catholiques les plus attentifs ร  ce type de manoeuvres ont dโ€™abord semblรฉ savourer les signaux รฉmis ร  leur adresse tout au long de la campagne : photographies de parvis dโ€™รฉglise du 15 aoรปt, rรฉponses successives ร  la Lettre des รฉvรชques, … jusquโ€™au magistral โ€œnโ€™ayez pas peurโ€ de Franรงois Fillon, couronnant le dernier dรฉbat entre les sept candidats. Mais plus encore que de ces attentions flattant leur orgueil, certains catholiques ont paru se dรฉlecter du retour de bรขton mรฉdiatique qui sโ€™en est suivi, entre les deux tours, ร  lโ€™รฉgard de Franรงois Fillon, visant ร  faire de lui le reprรฉsentant de la France la plus catholique, la plus traditionaliste, le suppรดt de la Manif pour Tous. Pour expliquer la surprise Franรงois Fillon, quoi de mieux alors que dโ€™invoquer les cendres des mobilisations de 2013 – quitte ร  aider le camp Juppรฉ ร  souffler รฉgalement sur les braises ? Il y avait dโ€™une part, pour certains catholiques, le sentiment retrouvรฉ de peser en politique, lโ€™impression dโ€™avoir โ€œfait lโ€™รฉlectionโ€ (comme si les 44% de votes favorables ร  Franรงois Fillon avaient la saveur des millions de personnes descendues dans les rues contre la loi Taubira) et, dโ€™autre part, une forme de satisfaction victimaire vis-ร -vis de la vindicte mรฉdiatique soulevรฉe par le candidat. Incompris de la sociรฉtรฉ, rรฉfugiรฉs derriรจre les remparts de son mรฉpris, les catholiques pouvaient ร  nouveau resserrer les rangs.

Dans les deux cas, lโ€™analyse souffre dโ€™une grossiรจre erreur dโ€™apprรฉciation : il nโ€™y a ร  saluer ni la mobilisation croissante des marqueurs identitaires catholiques par la droite, ni la tempรชte mรฉdiatique orchestrรฉe par la gauche la plus sensible aux questions sociรฉtales. Car dans les deux cas, le โ€œcatholicismeโ€ ainsi exposรฉ nโ€™est quโ€™une caricature, lโ€™otage de la recomposition en cours du jeu politique.

La campagne de la Primaire nโ€™a pas seulement rappelรฉ la place des catholiques dans lโ€™รฉlectorat de droite, elle a confirmรฉ le rattachement du catholicisme ร  une pensรฉe conservatrice cohรฉrente qui nโ€™a fait que se consolider ces derniรจres annรฉes face ร  la crise des sociรฉtรฉs europรฉennes. Dans cette optique, le catholicisme est mis au service dโ€™une pensรฉe politique plus large, articulรฉe autour de la notion dโ€™identitรฉ : la rรฉponse ร  la crise รฉconomique, politique et sociale passe par la restauration dโ€™une identitรฉ perdue, diluรฉe dans la mondialisation et lโ€™idรฉologie soixante-huitarde, battue en brรจche par la montรฉe de lโ€™islamisme. La restauration de cette identitรฉ nโ€™est pas seulement la seule rรฉponse ร  apporter ร  la crise, elle est aussi le dernier rempart contre lโ€™effondrement gรฉnรฉralisรฉ. Tout au long de la Primaire, le catholicisme a รฉtรฉ mobilisรฉ pour sรฉduire un รฉlectorat toujours plus sensible ร  ces questions et qui nโ€™est pas exclusivement catholique, mais plutรดt โ€œcatho-friendlyโ€, sensible ร  lโ€™hรฉritage chrรฉtien parce que sensible aux questions identitaires. Le catholicisme est ainsi mobilisรฉ comme marqueur dโ€™identitรฉ nationale, signe dโ€™une grandeur passรฉe retrouvรฉe, dโ€™une unitรฉ fantasmรฉe, dโ€™une sociรฉtรฉ forte face ร  la montรฉe du fondamentalisme islamique.

La campagne de Franรงois Fillon est exemplaire en la matiรจre, depuis les multiples rรฉfรฉrences au catholicisme prรฉcรฉdemment รฉvoquรฉes, en passant par la volontรฉ affichรฉe de transmettre ร  nouveau un โ€œrรฉcit nationalโ€, lโ€™attention accordรฉe ร  lโ€™รฉducation, la parution de son dernier livre, Vaincre le totalitarisme islamique, et ses dรฉclarations comme celle du 21 septembre au Cirque dโ€™Hiver : โ€œCessons donc de faire croire quโ€™il faut durcir les rรจgles de la laรฏcitรฉ au prix dโ€™atteintes inacceptables ร  la libertรฉ religieuse alors que seule la poussรฉe intรฉgriste qui enflamme le monde musulman est une menace pour notre sociรฉtรฉ.โ€ Les attaques rรฉpรฉtรฉes en direction des mรฉdias ne sont elles-mรชmes quโ€™une pierre apportรฉe ร  cette vaste construction idรฉologique : elles visent surtout ร  favoriser la construction dโ€™un ennemi ร  gauche, tout puissant, oppresseur et faussement majoritaire, bien-pensant et รฉloignรฉ du sens commun. Enfin, les questions sociรฉtales permettent de jouer sur trois tableaux diffรฉrents, au-delร  mรชme de la sรฉduction de lโ€™รฉlectorat catholique : la rรฉactivation du clivage gauche-droite, le rattachement ร  des valeurs anti-soixante-huitardes et lโ€™appel ร  la vindicte mรฉdiatique, permettant de se confirmer dans ses positions. Sans รชtre lโ€™auteur de la partition idรฉologique, Franรงois Fillon a su en รชtre l’interprรจte en reprenant ร  son compte la droitisation ร  lโ€™oeuvre, alors mรชme que, dans le mรชme temps, Alain Juppรฉ signait une campagne sur lโ€™identitรฉ heureuse, loin des prรฉoccupations du moment dans l’รฉlectorat de droite. Sans rien enlever aux convictions – sans doute sincรจres – du candidat Fillon, il est certain que ce dernier a su jouer ร  bon escient de ses โ€œvaleursโ€ auprรจs de cet รฉlectorat. Comment le dรฉdouaner dรจs lors totalement de la tempรชte mรฉdiatique qui sโ€™en est suivi, dans lโ€™entre-deux tours ?

Lโ€™affaire de la croix armรฉnienne portรฉe au soir des rรฉsultats par Valรฉrie Boyer, porte parole de Franรงois Fillon, sur un plateau de tรฉlรฉvision, paraรฎt finalement rรฉsumer toute la campagne : une entreprise dโ€™affichage dโ€™un catholicisme rรฉduit ร  sa dimension symbolique, exposรฉ dans lโ€™univers mรฉdiatique au service dโ€™une construction idรฉologique identitaire. Le catholicisme est devenu rentable รฉlectoralement au-delร  mรชme du seul รฉlectorat catholique : si Franรงois Fillon choisit de mener une campagne teintรฉe de christianisme – chose quโ€™il nโ€™a jamais fait avec autant dโ€™application jusquโ€™alors -, cโ€™est quโ€™il sait bien que cette coloration chrรฉtienne est aujourdโ€™hui plus bรฉnรฉfique que prรฉjudiciable. La conviction des personnes nโ€™est pas en jeu, mais bien leur responsabilitรฉ dans la poursuite dโ€™une guerre des symboles.

Le catholicisme caricaturรฉ par la gauche, qui ne lui permet que de se rassurer sur la survivance du clivage gauche-droite – ร  lโ€™heure oรน les sujets รฉconomiques et sociaux la mettent moins ร  son aise -, nโ€™a rien ร  envier ร  un catholicisme pris en otage par la droite dans sa mue identitaire actuelle. Comment ne pas dรฉplorer cet affichage dโ€™un catholicisme bien plus objet que sujet du dรฉbat public, trophรฉe destinรฉ aux musรฉums de lโ€™identitรฉ historique bien plus que force de transformation pour inventer le monde qui vient ? Comment ne pas dรฉplorer que les grands perdants soient, prรฉcisรฉment, tout ร  la fois la politique et le catholicisme ?

Marie-Hรฉlรจne
Marie-Hรฉlรจne, membre des Alternatives Catholiques.

3 thoughts on “Les catholiques enfin de retour en politique ?”

  1. Trรจs bonne analyse, que j’apprรฉcie. Je pense, comme vous, que cette rรฉsurgence identitaire n’est pas un bon signe pour le catholicisme. Votre conclusion est excellente et pointe le cล“ur du problรจme. On aimerait un catholicisme “force de transformation pour inventer le monde qui vient”. Un catholicisme ayant une rรฉelle vitalitรฉ. Une remarque concernant votre avant-dernier paragraphe : je ne suis pas certain que “la coloration chrรฉtienne (sera encore) bรฉnรฉfique รฉlectoralement” lorsqu’il s’agira du premier tour de l’รฉlection prรฉsidentielleย โ€ฆ et non plus d’une รฉlection qui concernait essentiellement un vivier รฉlectoral trรจs prรฉcis et limitรฉ. Il me semble plutรดt que la “rentabilitรฉ รฉlectorale” du catholicisme “identitaire” est restreinte dans la France d’aujourd’hui et qu’elle peut produire l’effet inverse lorsqu’il s’agit de s’adresser ร  un รฉlectorat beaucoup plus large et qui dans sa majoritรฉ ne hume pas avec faveur le “catholicisme identitaire” (ce qui favoriserait le vote pour d’autres candidats qui s’afficheront centristes et pleinement laรฏcs). Nous courons ainsi le risque d’un รฉtrange et inquiรฉtant premier tour avec un nombre de candidats trop รฉlevรฉ (annulant l’effet attendu des primaires), et tout ce qui s’ensuit dans le contexte qui est le nรดtreโ€ฆ

    1. Je gardais une petite rรฉserve effectivement quant ร  la poursuite de cette campagne identitaire catholique au-delร  de la Primaire. Le fameux “je suis chrรฉtien et, de surcroรฎt gaulliste” de Franรงois Fillon semble conforter la dynamique. A suivre…

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