Voici un article que notre ami Gaultier a publiรฉ sur son blog Le Soupirail et les Vitraux
ยซ Le travail est avant tout pour lโhomme et non lโhomme pour le travail ยป (Laborem exercens)
Conjugant la justice sociale aux libertรฉs รฉconomiques, Lรฉon XIII dans Rerum Novarum (1891), texte fondateur de la pensรฉe sociale de l’รgliseย nous propose quelques pistes pour “arracher ร la misรจre” les travailleurs et “obtenir la paix et la prospรฉritรฉ de la sociรฉtรฉ” :
Les sentiments religieux du passรฉ ont disparu des lois et des institutions publiques et ainsi, peu ร peu, les travailleurs isolรฉs et sans dรฉfense se sont vu, avec le temps, livrer ร la merci de maรฎtres inhumains et ร la cupiditรฉ d’une concurrence effrรฉnรฉe. Une usure dรฉvorante est venue accroรฎtre encore le mal. Condamnรฉe ร plusieurs reprises par le jugement de l’Eglise, elle n’a cessรฉ d’รชtre pratiquรฉe sous une autre forme par des hommes avides de gain et d’une insatiable cupiditรฉ. ร tout cela, il faut ajouter la concentration entre les mains de quelques-uns de l’industrie et du commerce devenus le partage d’un petit nombre d’hommes opulents et de ploutocrates qui imposent ainsi un joug presque servile ร l’infinie multitude des prolรฉtaires. […]
Au tรฉmoignage commun de la raison et de la philosophie chrรฉtienne, le travail du corps, loin d’รชtre un sujet de honte, fait honneur ร l’homme, parce qu’il lui fournit un noble moyen de sustenter sa vie. Ce qui est honteux et inhumain, c’est d’user de l’homme comme d’un vil instrument de lucre, de ne restituer qu’en proportion de la vigueur de ses bras. […] Selon le jugement de Dieu lui-mรชme, la pauvretรฉ n’est pas un opprobre et il ne faut pas rougir de devoir gagner son pain ร la sueur de son front. […] L’ouvrier qui percevra un salaire assez fort pour parer aisรฉment ร ses besoins et ร ceux de sa famille s’appliquera, s’il est sage, ร รชtre รฉconome. […] Il importe donc que les lois favorisent l’esprit de propriรฉtรฉ, le rรฉveillent et le dรฉveloppent autant qu’il est possible dans les masses populaires.
Ce rรฉsultat une fois obtenu serait la source des plus prรฉcieux avantages. Et d’abord, la rรฉpartition des biens serait certainement plus รฉquitable. La violence des bouleversements sociaux a divisรฉ le corps social en deux classes et a creusรฉ entre elles un immense abรฎme. D’une part, une faction toute-puissante par sa richesse : maรฎtresse absolue de l’industrie et du commerce, elle dรฉtourne le cours des richesses et en fait affluer vers elle toutes les sources. Elle tient d’ailleurs en sa main plus d’un ressort de l’administration publique. De l’autre, une multitude indigente et faible, l’รขme ulcรฉrรฉe […]. Si l’on stimule l’industrieuse activitรฉ du peuple par la perspective d’une participation ร la propriรฉtรฉ du sol, l’on verra se combler peu ร peu l’abรฎme qui sรฉpare l’opulence de la misรจre et s’opรฉrer le rapprochement des deux classes. En outre, la terre produira toute chose en plus grande abondance. Car l’homme est ainsi fait que la pensรฉe de travailler sur un fonds qui est ร lui redouble son ardeur et son application. Il en vient mรชme jusqu’ร mettre tout son coeur dans une terre qu’il a cultivรฉe lui-mรชme, qui lui promet, ร lui et aux siens, non seulement le strict nรฉcessaire, mais encore une certaine aisance. Tous voient sans peine les heureux effets de ce redoublement d’activitรฉ sur la fรฉconditรฉ de la terre et sur la richesse des nations. Un troisiรจme avantage sera l’arrรชt dans le mouvement d’รฉmigration. Personne, en effet, ne consentirait ร รฉchanger contre une rรฉgion รฉtrangรจre sa patrie et sa terre natale, s’il y trouvait les moyens de mener une vie plus tolรฉrable.